E-TERVIEW – Nuttea explore et revendique le reggae comme un style élastique et adaptable à des univers différents, actuels, occidentaux, citadins. C’est en tous cas le propos qui se cache derrière la diversité de Un Signe du Temps, dernier album de ce guadeloupéen d’origine, autoproclamé agitateur. Ca tombe bien, il est né en 1968 et ses oreilles ont d’abord goûté à Hendrix, Santana, Marley, Peter Tosh et Armstrong… Nuttea est actuellement en tournée dans toute la France avec Lord Kossity et Daddy Mory; pour les détails, cliquez ici. Ton album commence par un morceau étonnant, Sonate pour un Petit Soundboy. Qu’est ce qui t’a donné envie de te taper un délire opéra classique ? D’autant que c’est le morceau que l’auditeur découvre en premier… Nuttea: Mon père écoutait beaucoup d’opéra quand j’étais petit, c’était pour lui faire un clin d’oeil. Je trouvais cela marrant aussi de le mettre en premier pour interpeller l’auditeur. J’essaie de montrer une certaine ouverture dans la musique que je fais. Est-ce que j’ai peur d’effrayer les fans ? Non car je suis ouvert musicalement, tout artiste se doit d’étonner son public… Ta voix te permet de chatouiller des registres différents, sur le premier couplet de Elles Dansent, on croirait entendre Henri Salvador… Tu envisages de faire des morceaux de moins en moins classables ? C’est pas un album de ragga pur, c’est un album reggae. Je voulais montrer l’éclectisme du reggae. Pas seulement les riddim roots. Le reggae c’est aussi le rock steady, le hip hop reggae, le dance hall… Pas seulement Bob Marley ou Steel Pulse. C’est aussi Shaggy, par exemple. Et des groupes des années 80, comme Madness, Nina Hagen, The Police, qui ont tous été influencés par le reggae. J’aime aussi le blues, et le reggae peut être blues. C’est dans cet esprit que tu as intitulé le titre le plus reggae de l’album Le Blues du Fugitif ? Oui. Apparemment tu n’aimes pas utiliser les fantasmes de violence pour séduire les jeunes. C’est un point que vous partagez avec Akhenaton. Comment s’est calé son featuring sur N (Haine) ? Akhenaton je le connais depuis la 25 ème image. On se connaît depuis un moment. Là je voulais pas un ragga hip hop, je voulais un vrai riddim hip hop. Akhenaton c’est un pote ! T’écoutes quoi en hip hop ? En français j’aime bien IV My People, certains trucs du BOSS, Of Scandalz, Lunatic. Et US ? Moss Def, enfin Rawkus en général. Common, Pharaeo Monch, Outkast aussi. Attends parce que j’ai pas beaucoup de mémoire, je suis en train de regarder les disques que j’ai chez moi… (rires). Mais j’écoute plus de la soul en fait. Al Green Shaka Kahn, les jackson Five, Zap, Ohio Players. C’est de la funk des 70’s vénère, hardcore; l’autre versant c’était Earth Wind & Fire, Kool and the Gang. J’aime aussi Isley Brothers. J’ai plein de compiles de soul en fait…(rires) On dirait que tu n’aimes pas te cantonner à un style, que tu te sens à l’étroit… J’essaie tout simplement de chercher ce qu’il y a de mieux, et ce qu’il y a de mieux c’est en nous! (rires). Pas ce qu’on aime ou ce que l’on essaie d’être… Je pourrais ajouter Yellow Man! Mon truc quand j’étais petit c’était de trouver ce que les autres ne connaissaient pas. C’est un trésor de jeunesse musical. J’ai envie que ça ressorte. De la soul au funk en passant par le reggae. Les reprises reggae te renvoient souvent à d’autres styles musicaux: Maurice Green, Otis Redding. Ce n’est absolument pas un style musical fermé comme on essaie de le faire croire… Tu ne penses pas que cette image fermée vient de cette idée de la Jamaïque, comme une bulle impénétrable car très spirituelle depuis la racine jusqu’à la tête ? C’est clair que la Jamaïque ressemble à une bulle, mais ici, on adapte le reggae à ce que l’on vit. La Jamaïque a avant tout une culture forte qui marque tout ce qui en découle, ce qui en sort. Pourquoi les rastas sont végétariens ? Parce que ça vient de l’hindouisme. Les hindous ont été importés comme esclaves. Mais eux ne travaillaient pas sans leur herbe de Kali… Tout est parti de là en fait. Le mouvement rasta peut s’étendre, mais uniquement si on en a une approche culturelle, pas une image d’Epinal. Les rastas ont inventé le reggae roots, mais avant existait le ska et le rock steady. Les rastas ont en fait ralenti et adouci les rythmes qui existaient déjà… Comment s’est arrangée ta collaboration avec Haendel Tucker qui est aux manettes sonores de ton album ? C’est surtout la force des choses. Son studio est à Philadelphie… En même temps je me suis dit que ça me ferait pas de mal de changer d’air. Donc du coup j’ai découvert une ville mortelle. C’est un véritable carrefour des plus grands musiciens soul. Pour trouver un guitariste, il suffit de marcher dans la rue. (rires). Dans Le Monde Part en C… tu as une approche assez critique de l’actualité mondiale. Qu’est ce que t’inspire la décision de Bush de ne pas souscrire aux accords de Kyoto sur la réduction de l’effet de serre ? Ca me fait halluciner, c’est une régression de l’Amérique qui est balaise. Les Américains ont parfois des oeillères. Il faut qu’ils se réveillent ! Propos recueillis par Acmé