Le Pakistan a reclamé il y a quelques jours le retrait du titre de chevalier accordé samedi par la reine Elizabeth II d’Angleterre à l’écrivain Salman Rushdie et un ministre a jugé qu’anoblir l’auteur des « Versets sataniques » justifiait des attentats suicide. Dans le centre du pays, des dizaines d’étudiants islamistes ont hurlé « Mort à Rushdie, mort à la Grande-Bretagne! » Brûlant des drapeaux britanniques. Ils ont incendié des photos de l’écrivain d’origine indienne.
Quelques centaines d’homme en colère à Lahore ont frappé avec leurs chaussures, en signe de mépris, des drapeaux de l’Union Jack. Deux cents personnes se sont rassemblées à Karachi, la métropole du sud.
Le Pakistan, dont le territoire était une ancienne colonie britannique jusqu’à la Partition de 1947, est révolté par la distinction accordée par la reine d’Angleterre à l’écrivain, qui peut désormais porter le titre « Sir » avant son prénom.
Il a passé des années dans la clandestinité, menacé par une fatwa lancée fin 1989 par le fondateur de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, le « condamnant à mort » à cause de son roman « Les versets sataniques » jugé blasphématoire pour l’islam.
« Si quelqu’un lance des attaques avec des bombes attachées à son corps pour défendre l’honneur du prophète, alors elles sont justifiées », a déclaré le ministre pakistanais des Affaires religieuses, Ijaz-ul-Haq.
Il est ensuite revenu sur ses propos, expliquant à l’AFP que le titre de chevalier conféré à Rushdie allait ranimer l’extrémisme.
« Si quelqu’un se fait exploser, il se sentira justifié dans ses actes. Comment pouvons-nous combattre le terrorisme lorsqu’un blasphémateur est récompensé par l’Occident? », a-t-il demandé.
Le Pakistan, pays en majorité sunnite et allié des Occidentaux dans la « guerre contre le terrorisme », va officiellement protester auprès de Londres, a indiqué le ministère des Affaires étrangères.
La veille, l’assemblée nationale avait « fermement condamné » l’attribution à Salman Rushdie du titre de « Sir » en votant une résolution à l’unanimité. « Nous exigeons que la Grande-Bretagne se dispense de heurter la sensibilité des musulmans, et qu’elle enlève à l’écrivain le titre qui lui a été conféré » a demandé le ministre des Affaires parlementaires, Sher Afgan.
Avant le Pakistan, l’Iran avait parlé dimanche d’acte d' »islamophobie », même si Téhéran a promis en 1998 de pas appliquer sa fatwa contre Salman Rushdie.
L’opposition pakistanaise est tout aussi très irritée et déclare :  » Des pays occidentaux plaident pour l’harmonie inter religieuse, mais ils ne manquent pas une occasion de heurter la sensibilité des musulmans dans le monde. Ceux qui confèrent le titre de Sir à Rushdie sont des alliés de notre gouvernement, mais regardez les mesures qu’ils prennent », a critiqué Khawaja Asif, de la Ligue musulmane de l’ex-Premier ministre en exil Nawaz Sharif, opposant au général Musharraf.
La Grande-Bretagne a défendu la décision de la reine Elizabeth II.
« L’honneur fait à Sir Salman est amplement mérité et s’explique de lui-même », a déclaré son ambassade à Islamabad. « Ce titre de chevalier reflète la contribution de Salman Rushdie à la littérature au cours d’une carrière longue et riche », a-t-elle declaré.