LA RUMEUR – Le procès pour « diffamation publique envers la police nationale » à l’encontre du groupe de rap La Rumeur s’est tenu ce vendredi 12 novembre devant la 17ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris. Mais ce n’est que le 17 décembre que le jugement sera rendu. Hamé, l’un des piliers du groupe parisien, a été entendu par les juges et la présidente Catherine Bezio. Première surprise, le ministère de l’Intérieur n’était pas représenté à l’audience, ce qui laisse supposer que l’actuel ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, ne se sent pas aussi concerné par ces « diffamations » que l’avait été Nicolas Sarkozy à l’époque… Avril 2002. En plein contexte d’élection présidentielles et de montée du FN, un texte écrit par Hamé dans La Rumeur Magazine, un fanzine rédigé par Hamé et Ekoué, membres du groupe, sème la panique au Ministère de l’Intérieur, alors dirigé par Nicolas Sarkozy. La plainte porte sur quelques phrases de Hamé tirées de L’insécurité sous la plume d’un barbare, billet d’humeur dénonçant des bavures policières et le climat d’insécurité instauré par les forces de l’ordre dans les quartiers sensibles. A l’époque, l’Intérieur s’offusque et attaque La Rumeur, prétextant des « diffamations publiques envers la police nationale ». Plus de 2 ans plus tard à l’audience, Hamé s’est expliqué sur ce texte, revenant sur les faits bien réels qu’il avait alors dénoncés, en précisant ce que ce pamphlet tendait réellement à prouver. « Dans cet article, je voulais dénoncer les insécurités qui frappent les populations les plus fragiles, le chômage, l’alcool, l’échec scolaire… Les humiliations policières ne sont qu’une insécurité supplémentaire. Dans mon article, je n’ai pas cherché à faire de la police un bouc émissaire », a confié Hamé à la barre. La présidente du tribunal semble perplexe. Elle lit même le texte incriminé de Hamé à voix haute et ne semble pas spécialement choquée… Les témoins présents à l’audience -Fabien Jobard, sociologue, Maurice Rajsfus, historien, Erik Blondin, gardien de la paix et fondateur du Syndicat de la police nationale- ont pour ainsi dire, à divers degrés, tous corroborés les propos du rappeur. Quant à Me Dominique Tricaud, l’avocat de Hamé, il invoque bien sûr « le droit à la liberté d’expression » et rappelle aux juges et à la présidente la bonne foi manifeste de l’artiste. La procureure de la République a alors estimé que la diffamation était bien constituée à cause de la « généralité de la formule ». Mais elle a ajouté que « la bonne foi -du rappeur- pourrait faire échec à toute condamnation ». Le jugement sera rendu le 17 décembre, mais c’est pour l’instant un optimisme mesuré qui a gagné les rangs de La Rumeur.